|
 Rick Fernández
|
La Bible et l'homosexualité: Guide pour les Saints des Derniers Jours
Révision 1998
Rick Fernández
Ils attendaient que l'explorateur qui venait de rentrer au pays leur parle de l'Amazonie, tandis que lui se demandait comment trouver les mots justes pour décrire les sensations qui avaient inondées son cœur au moment où il avait vu les fleurs exotiques, entendu les voix de la nuit dans la forêt, ressenti le danger des bêtes sauvages ou pagayé dans de dangereux rapides?
Il leur dit: "Allez voir vous-mêmes," et pour les guider, leur dessina le cours du fleuve. Ils se jetèrent sur la carte, l'encadrèrent et l'exposèrent. Ils la copièrent et quiconque en possédait une copie croyait être expert du fleuve. N'en connaissaient-ils pas tous, en effet, chaque coude et chaque détour, et ne savaient-ils pas comme il était large et profond, ni où étaient ses rapides et ses chutes ?
(in The Song of the Bird, pp. 32-33)
Cette histoire illustre bien le danger et la déception que nous pouvons trouver à voyager "assis sur une chaise," lorsque nous confondons l'expérience d'autrui avec l'expérience même. Les Ecritures sont aussi le récit d'expériences d'autrui qui devraient nous inciter aux mêmes explorations spirituelles par nous-mêmes. Nous ne devrions pas avoir peur de les relire à travers notre propre vécu, et aux lumières de notre connaissance et du Saint-Esprit. Pour débuter cet exercice, nous allons survoler succinctement les principaux passages des Ecritures utilisés habituellement pour condamner l'homosexualité. Puisque aucune des Ecritures du Rétablissement n'aborde ce sujet, notre étude portera donc sur la Bible. Je présenterai d'abord chaque citation, accompagnée de son interprétation habituelle, puis je proposerai une série de points à méditer, pour arriver à une interprétation correcte.
Genèse 19
Cette histoire nous montre habituellement Loth accueillant chez lui deux visiteurs qui sont en réalité des anges envoyés par Dieu afin de détruire Sodome et Gomorrhe pour leur iniquité. Un groupe d'hommes entoure ensuite la maison de Loth et lui demande de faire sortir les visiteurs "pour que nous les connaissions," le terme "connaître" étant, dans ce passage, généralement compris dans son sens sexuel. Loth leur offre ses deux filles vierges pour les apaiser, mais les hommes les refusent et continuent de réclamer les anges (cf. la Traduction de Joseph Smith, plus précise sur cette partie de l'histoire). Aussi, Dieu détruit Sodome et Gomorrhe pour leur péché d'homosexualité.
Points à méditer:
Ici, le verbe : "connaître," est l'hébreu yadha. La Bible hébraïque emploie yadha 943 fois, presque exclusivement dans le sens général de "connaître." Excepté ici et dans Juges 19:22, ce verbe n'a que 10 fois une signification sexuelle, et qui plus est hétérosexuelle. Lorsque la Bible hébraïque évoque une relation homosexuelle ou la bestialité, elle emploie le verbe shakabh, absent de cette histoire (Bailey, pp. 181 ff.). Il est également intéressant de remarquer que dans la Septante (la traduction Grecque de l'Ancien Testament utilisée par les Juifs du monde grec au temps de Jésus), ce terme ne signifie rien d'autre que : "se familiariser avec" ou "faire connaissance avec" (suggenometha autois), bien différents des verbes utilisés par cette version pour évoquer l'épisode des filles de Loth (egnosan, khresasthe), qui ne laissent aucun doute quant à la signification sexuelle (ibid., pp. 2-3).
Si nous acceptons yadha dans le sens général de "connaître," tout le récit se replace alors dans le contexte culturel où il fut écrit. Loth était lui-même un étranger qui résidait à Sodome, dépendant de l'hospitalité et de la tolérance de ses habitants. Une grande ville comme Sodome avait à cette époque de bonnes raisons de craindre les étrangers, et le fait d'en accueillir dans les murs de la ville ne pouvait manquer de soulever les soupçons. Les hommes de Sodome sont donc en colère lorsque Loth refuse leur céder (v. 9 - "Celui-ci est venu tout seul comme immigrant, et il veut faire le juge !").
Dans le monde de l'époque, où aller de ville en ville était dangereux et risquait de coûter la vie, l'hospitalité n'était pas un choix mais un devoir sacré (voir Exode 22:20; Lev. 19:33-34; comparer avec Matt. 25:35, 38 et 43). Une caractéristique des justes était chez les Hébreux leur façon d'accueillir les étrangers. Aussi, toute violence envers les invités de Loth aurait été un grave péché contre ce devoir d'hospitalité (cf. Deut. 23:3-5), et Loth évoque même ce devoir lorsqu'il implore les hommes de Sodome dans le v. 8: "Ne faites rien à ces hommes, puisqu'ils sont venus à l'ombre de mon toit." (Genèse 18:1-5).
En supposant un instant que le récit, tel qu'il est écrit, ait pour but de condamner l'homosexualité, pourquoi omet-t-il de condamner Loth qui propose ses filles vierges pour être abusées et souillées sans leur consentement ? Pour quelle raison cette Ecriture ne dit rien de ce comportement particulièrement immoral si son but est effectivement de nous inculquer la morale sexuelle ? La plupart des Saints des Derniers Jours n'hésiteraient pas à condamner la conduite de Loth, mais de manière étrange et bien incohérente, ils ne se posent pas de question sur la condamnation de l'homosexualité dans cette histoire.
Les Ecritures ne voient jamais dans le péché de Sodome et Gomorrhe la faute d'un comportement homosexuel. Ézéchiel (16:49-50) dit que la faute de Sodome était de vivre dans l'orgueil, avec satiété et dans une insouciante tranquillité, sans se préoccuper du pauvre et du malheureux, et qu'elle commettait des abominations. Isaïe (13:19) condamne Sodome pour son injustice, tandis que Jérémie (23:14; 49:18, 50:40) décrit le péché de Sodome par le relâchement de sa morale. L'Ecclésiaste aussi, dans le Siracide, (16:8), écriture dite "apocryphe", voit le pêché de Sodome dans son orgueil : "Il n'épargna pas le peuple dans lequel Loth résidait, car il l'avait en horreur à cause de son orgueil." Sagesse (19:13-15) explique que la faute de Sodome était son refus d'accueillir les étrangers. Dans Luc 9:51-56, Jésus refuse de commander au feu de descendre du ciel et de consumer un village samaritain quand Jacques et Jean veulent le voir puni comme Sodome a été punie. Quelle fut donc la faute si grave de ce village samaritain ? Ce fut son refus de leur offrir l'hospitalité, et dans Luc 10:8-12, Jésus rend explicite ce parallèle entre l'inhospitalité de Sodome et celle de ceux qui le rejette, lui et ses messagers.
Les anciens commentaires rabbiniques sur les Ecritures juives, le Talmud et le Midrash, sont presque unanimes en reconnaissant dans le péché de Sodome, l'orgueil, l'arrogance et l'inhospitalité. Une seule fois parmi ce corps volumineux de commentaires anciens est établi un rapport entre Sodome et l'homosexualité : "Les Sodomites passèrent un accord entre eux selon lequel chaque fois qu'un étranger passerait par la ville, ils le sodomiseraient de force et lui déroberaient son argent."
En regardant le Nouveau Testament, deux passages, II Pierre 2:4-9 et Jude 6-7, semblent voir dans la faute de Sodome un comportement sexuel contre-nature, que certains ont pris pour être l'homosexualité. Ces deux passages, cependant, pourraient bien condamner un péché sexuel bien différent : le rapport contre-nature entre des "anges qui ont quitté leur propre demeure" et les mortels qui recherchent "des unions contre-nature (en Grec, chairs différentes)." Il faut garder à l'esprit que les Juifs de l'époque croyaient possibles les relations sexuelles entre anges et mortels, représentant des êtres appartenant à deux niveaux différents, et considéraient cela comme quelque chose de mal et de contre-nature. (voir Genèse 6:1-8, quand le déluge est envoyé pour détruire la terre, en partie parce que les "fils de Dieu" prennent les "filles des hommes" pour femme). Le Livre d'Enoch mentionne également l'iniquité de cet acte contre-nature, et Enoch 2 est en fait le passage cité par Juda dans ce contexte précis. Deux autres textes hébreux anciens, le Testament de Nephtali 2:4-5 et le livre des Jubilées 7:20-22, 16:5-7 et 20:5-6, montrent clairement que les Sodomites furent punis car, tout comme les anges dans Genèse 6 qui avaient violés l'ordre des choses en allant vers les filles des hommes, ils avaient eux aussi violé l'ordre naturel en voulant aller vers ces anges. Cela, et non pas l'homosexualité, fut la faute de Sodome.
Une telle interprétation non sexuelle de Sodome n'est pas nouvelle dans la pensée mormone. Joseph Smith lui-même enseigna que "les villes de Sodome et Gomorrhe . . . furent détruites pour avoir rejeté les prophètes." (orthographe modernisé, Ehat & Cook, p. 156) et un érudit mormon contemporain a exprimé une interprétation non sexuelle du péché de Sodome. En effet, Hugh Nibley, dans Approaching Zion, p. 55, écrit: "[Satan] pollue nos esprits. . . par de fausses paroles et des apparences trompeuses. L'un de ses tours préférés est de tout mettre sur le compte de la sexualité. Le sexe peut être un appétit pernicieux, mais il laisse vite la place aux autres. Par exemple, nous avons coutume de voir en Sodome la prostituée originelle, mais d'après toutes les sources 'ceci fut la faute de ta sœur Sodome': sa grande prospérité rendit ses habitant cruels et avec la certitude de figurer parmi les justes. Les plus grands pécheurs, pour Jésus, ne sont pas les prostituées ni les publicains, mais les dirigeants tellement dignes dans leur insistance marquée sur l'habillement le plus recommandé, leur stricte observance des règles, leur grand soucis de maintenir leur statut social, leur grande légalité et leur pieux patriotisme."
Juges 19
Dans cet autre récit à mettre en parallèle avec Genèse 19, nous voyons un Lévite voyageant avec sa concubine depuis Ephraïm, et qui cherche l'hospitalité à Guibea, ville de Benjamin. Un vieillard les rencontre et leur offre son toit. Les hommes de Guibea entourent ensuite la maison et demandent au vieillard de faire sortir son hôte, "pour que nous le connaissions." Comme Loth, le vieillard leur prie de ne faire aucun mal à cet homme, et propose sa fille ou la concubine du Lévite en échange. Le Lévite fait alors sortir sa concubine et les hommes de Guibea lui font subir un viol collectif jusqu'au matin, où elle va mourir devant la porte de la maison.
Points à méditer :
Il est intéressant de remarquer que les Ecritures, là encore, ne font aucun commentaire sur la portée morale des actions du vieillard et du Lévite livrant des femmes à un viol collectif. Cette portée morale, aussi insignifiante que dans le récit de la Genèse, laisse beaucoup à désirer et paraît bien mince en faire ressortir une théologie de la sexualité.
Prise au sens sexuel, cette histoire ne veut pas dire grand-chose. En effet, quel intérêt pourraient-ils trouver à coucher avec des femmes si les hommes de Guibea, comme les hommes de Sodome, étaient homosexuels? Pourquoi même réfléchiraient-ils avant d'accepter une telle proposition, comme ils l'ont fait dans ce passage ?
Au chapitre suivant (20:4-5), le Lévite nous montre bien que les homme de Guibea voulaient porter atteinte à sa vie. Leur dessein n'était pas que sexuel mais meurtrier, et même s'il avait été strictement sexuel, ce récit serait alors un récit sur un viol, perpétué par des hommes s'y adonnant comme à un sport dégradant. C'est ce que firent les hommes de Guibea avec la concubine du Lévite, en la violant jusqu'à ce mort s'ensuive.
Deutéronome 23:17-18; I Rois 14:24, 15:12, 22:46; II Rois 23:7
Dans sa propre édition de la Bible, l'Eglise accepte la traduction de la Version du Roi Jacques, en acceptant la traduction de kadesh (singulier) ou de kadeshim (pluriel) par "sodomite". En hébreu ce mot signifie littéralement "homme saint" ou "hommes saints," et hommes et femmes en Israël étaient interdits d'être de ceux-là (la forme féminine étant kedeshah). Pour les traducteurs de la Version du Roi Jacques, tous ces passages se référaient à un comportement homosexuel, et ils rendirent alors ce terme par "sodomites," perpétuant et répandant l'idée, depuis le temps de cette traduction (1611 Ap. J.C.), que la faute de Sodome était l'homosexualité.
Points à Méditer :
Des chercheurs modernes, étudiant d'autres sources littéraires ou archéologiques contemporaines à la Bible, ont trouvé des preuves irréfutables que prêtres et prêtresses du culte de la fertilité pratiquaient la prostitution rituelle. Les Cananéens croyaient qu' ils pouvaient gagner les faveurs de leurs divinités en ayant des relations sexuelles avec un prêtre ou une prêtresse (kadeshim) qu'ils payaient "en nature". La religion d'Israël fut souvent menacée d'être contaminée par ces pratiques, malgré les fréquentes mises en garde des prophètes (voir I Rois 14:22-24 et II Rois 23:7). Il semble difficile alors de savoir dans quelle mesure on peut assimiler ce genre de prostitution religieuse à une orientation homosexuelle vécue dans une dimension affective.
Il est intéressant de remarquer que dans l'édition de la Bible par les Saints des Derniers Jours, le terme "sodomite" dans Deut. 23:17 a une note en pied de page expliquant : "HEB prostitué(e) professionnel(le) ou rituel(le)." Néanmoins, malgré cette clarification importante, la note nous invite à nous reporter au terme Homosexualité dans le Guide des Ecritures!
Lévitique 18:22 et 20:13
Dans ces deux passages, la loi interdit clairement les relations sexuelles entre hommes et la peine encourue pour un tel crime est la peine capitale. Etant donné que cette pratique était interdite et considérée comme une abomination en Israël à cette époque, beaucoup de personnes pensent qu'elle devrait toujours l'être aujourd'hui.
Points à Méditer :
"Abomination" est la traduction du terme hébreu to'ebah. Dans les Ecritures, ce terme est toujours employé pour désigner l'idolâtrie ou des pratiques associées à l'idolâtrie, parfois, mais pas systématiquement, de nature sexuelle. Une fois replacés dans leur contexte, nous voyons que ces deux passages entrent dans la section du Lévitique connue sous le nom de Lois sur la Pureté, dont le but était de protéger les Israélites des pratiques idolâtres et dégradantes de leurs voisins païens. Les deux versets dont il est question ici figurent dans des passages se rapportant à Moloch, le dieu de la fertilité, et toutes les pratiques associées à ces cultes, comme l'inceste, la bestialité, ou l'adultère, sont condamnées dans ces sections. Il semble alors plus raisonnable de voir dans ces versets un passage de plus sur la prostitution rituelle associée aux cultes païens de la fertilité.
Comment, et pour quelle raison, ces versets pourraient-ils alors servir à condamner toute forme d'homosexualité, comme c'est souvent le cas ? En effet, ils n'interdisent que les relations sexuelles entre hommes, ne mentionnant pas les relations entre femmes. Cet oubli ne peut s'expliquer par le fait que les femmes n'étaient pas importantes, même si c'était effectivement souvent le cas, puisque dans ces deux chapitres, les hommes comme les femmes ne sont interdits d'avoir des relations sexuelles avec des animaux. Pourquoi, si la loi condamne l'homosexualité, en interdit-elle la pratique seulement aux hommes ?
Une réponse possible pourrait être que les Hébreux avaient pour la semence un grand respect, croyant qu'elle contenait intégralement le moyen de donner la vie. Ils n'avaient aucune connaissance scientifique sur la conception ou la gestation et croyaient que l'homme déposait sa semence à l'intérieur de la femme, qui ne faisait que la porter jusqu'à maturation, ignorant l'existence des ovules. Ils ne savaient pas non plus qu'un croisement entre les espèces ne pouvait provoquer de conception. Il était donc pour cette raison interdit aux hommes de gaspiller leur semence (Genèse 38:6-10) ou de la placer à l'intérieur des animaux, afin d'éviter une "confusion" et il était interdit aux femmes d'avoir des relations sexuelles avec des animaux pour ces même raisons. Cependant on peut présumer qu'il ne leur était pas interdit d'avoir des relations les unes avec les autres, aucune semence n'étant alors engagée.
Dans la société patriarcale du Proche Orient, rien ne comptait plus que l'honneur de l'homme, et tout pouvait être sacrifié pour sauver cet honneur, y compris la vie des femmes, comme nous en avons l'illustration brutale dans les histoires de Sodome et de Guibea. Les femmes étaient considérées comme des êtres dérivés et inférieurs. Ainsi, traiter un homme "comme une femme" revenait à lui infliger la plus grande humiliation. A la lumière de ce fait, nous comprendrons qu'il était courant chez les voisins d'Israël victorieux de violer leurs ennemis après la bataille, les réduisant au statut de femme, en signe de conquête absolue. Il est probable que les Hébreux de cette époque n'étaient pas immunisés contre ces influences culturelles, et de ce fait se livraient aussi à ce genre de pratique homosexuelle dégradante pour celui qui la subissait.
Enfin, si nous pensons que ces passages du Lévitique ont effectivement le sens d'une totale interdiction des relations homosexuelles, on peut se demander pourquoi ils sont toujours acceptés aujourd'hui si d'autres condamnations "morales" de ces chapitres ne le sont plus. Par exemple, un homme ayant des relations sexuelles avec sa femme pendant qu'elle est indisposée doit être banni (Lev. 18:19 et 20:18), porter des vêtements tissés de deux sortes de tissus est interdit (Lev. 19:19), et les hommes ayant certains handicaps physiques ne sont pas autorisés à être ordonnés à la prêtrise (Lev. 21:16-21). Et que faire de la peine de mort requise pour qui se rend coupable de relations homosexuelles ? Pourquoi une loi est prise dans son sens littéral alors qu'une autre est laissée de côté ? Quel principe d'interprétation est utilisé ? Et que veut dire Paul, quand il déclare que "maintenant nous sommes dégagés de la loi, car nous sommes morts à ce qui nous tenait captifs, de sorte que nous servons sous le régime nouveau de l'Esprit et non plus sous le régime ancien de la lettre" (Romains 7:6) ? Si les Lois sur la Pureté doivent avoir aujourd'hui une quelconque signification pour nous, en tant que Saints des Derniers Jours, ce devrait de nous encourager à nous montrer dignes, puisque nous somme toujours un "peuple à part" et saint, et que notre culte rendu à Dieu devrait reposer sur l'abandon personnel, l'intégrité et la foi, sans être entaché par notre besoin d'utiliser Dieu pour contrôler les autres.
I Corinthiens 6:9; I Timothée 1:10; Romains 1:18-32
Ces trois passages parlent de ceux qui se privent du Royaume de Dieu à cause de leurs pratiques immorales, dont les "efféminés" et "ceux qui se souillent avec un homme," ou ceux qui abandonnent leurs désirs "naturels" pour convoiter un individu de leur sexe. Beaucoup de personnes voient dans ces phrases des condamnations envers les homosexuels.
Points à Méditer :
Dans I Corinthiens, Paul utilise deux mots Grecs, malakoi et arsenokoitai, rendus dans la Version du Roi Jacques par effeminate et abusers of themselves with mankind, signifiant "efféminés" et "ceux qui se souillent avec un homme" (Dans la Version Segond Révisée, ces même termes sont traduits par "dépravés" et "homosexuels.") Le terme Arsenokoitai apparaît aussi dans I Timothée avec la même traduction. Dire que ces deux termes signifient "homosexuel" dans le sens que nous lui donnons de nos jours est pure spéculation. A cette époque, les Grecs n'avaient pas de terme particulier pour désigner un homosexuel, les hommes entretenant des relations homosexuelles étaient souvent aussi mariés et avaient une activité hétérosexuelle dans leur mariage. Pour qualifier ce genre d'homosexualité, les Grecs se servaient de nombreux termes : paiderastes, pallakos, kinaidos, arrenomanes, et paidophthoros. Pourtant, de manière intéressante, Paul n'a pas utilisé un seul de ces mots pourtant connus et on ne peut plus précis.
Malakoi (forme plurielle de malakos) signifie littéralement "mou" en Grec. Ainsi, employés dans un contexte moral, il pourrait tout à fait désigner une personne à la morale débridée, ou manquant de maîtrise de soi, et c'est exactement la signification que les premiers Pères de l'Eglise donnèrent dans leurs écrits (le terme "dépravé" de la Segond Révisée se rapproche aussi de ce sens). C'est certainement aussi ce qu'entendaient les traducteurs de la Version du Roi Jacques par "efféminés," puisque ce mot ne signifiait pas dans l'Angleterre du 17ème siècle ce qu'il signifie aujourd'hui. Il est intéressant de voir que l'édition des Saints des Derniers Jours comporte une note en bas de page expliquant que ce terme désigne un "giton," c'est-à-dire un jeune homme utilisé à des fins sexuelles. Cependant, peu de preuves dans la littérature grecque classique indique que malakoi ait cette signification-là.
Arsenokoitai (littéralement, koitai, "ceux qui ont des relations sexuelles" et arseno, "mâle" ou "masculin") est aussi un mot ambigu. On ne sait pas vraiment si mâle est sujet pour que ce terme signifie "hommes ayant des relations sexuelles," autrement dit des prostitués, ou si mâle est objet, auquel cas le mot désignerait des hommes pénétrant sexuellement d'autres hommes. Des interprètes ont vu dans ce mot ceux qui sont "actifs" dans la relation homosexuelle, mais il serait alors surprenant qu'aucun des Pères de l'Eglise, des hommes de langue grecque, n'ait jamais employé ce terme ni malakoi pour condamner l'homosexualité. Ne pouvons-nous pas penser qu'ils auraient utilisé ces textes contre les homosexuels, qu'ils n'étaient pas lents à fustiger, si effectivement ces mots avaient cette signification ?
Encore une fois, il convient de comprendre le contexte historique et social dans lequel ces Ecritures s'inscrivent. Le culte à Vénus, la déesse de la fertilité, était très répandu à Corinthe, et Ephèse, où vivait Timothée, en était aussi un haut lieu. Paul s'est attelé à traiter des cultes de la fertilité avec les convertis chrétiens qui étaient directement exposés à ces pratiques, comme de l'inceste, des animaux offerts aux idoles, des relations avec des prostituées et du comportement et de la tenue vestimentaire des femmes. Dans ce contexte précis, arsenokoitai devrait donc être plutôt traduit par "prostitués rituels." Nous savons d'ailleurs que les Romains utilisaient le mot latin drauci pour évoquer ces prostitués rituels se livrant à des relations sexuelles avec des hommes ou avec des femmes.
En considérant même que les deux termes désignent ceux qui sont "actifs" ou "passifs" dans une relation homosexuelle, il est bien évident qu'ils n'englobent pas tout ce que la notion d'homosexualité recoupe. Si Paul ne condamne ici que la prostitution homosexuelle commune dans ces villes, comment saurait-on appliquer la même condamnation à une union amoureuse et respectueuse, et à l'épanouissement d'un couple formé de deux personnes du même sexe ?
Pour ce qui est du passage dans Romains, cela ne fait aucun doute que Paul fait référence à une relation sexuelle entre deux personnes du même sexe, mais il est important, encore une fois, de replacer les commentaires de Paul dans leur contexte. Dans cette section, Paul condamne l'idolâtrie, et décrit ce qui peut arriver à ceux qui adorent la créature plutôt que le Créateur. Parce qu'ils ont échangé la vérité contre le mensonge, Dieu les abandonne à leur dépravation. Le résultat semble clairement faire allusion à ce que nous pourrions appeler des hétérosexuels abandonnant ce qui est "normal" pour eux pour un comportement homosexuel inspiré par la convoitise et la perversité. Prendre ce passage pour l'appliquer à quelqu'un n'ayant jamais eu de désir hétérosexuel "normal" ferait dire à Paul quelque chose qui va bien au-delà de sa pensée. Nous ne devons pas oublier que notre connaissance actuelle selon laquelle les gens peuvent avoir du désir pour des personnes de leur sexe n'existait pas au temps de Paul. Dire aussi qu'il parle d'homosexualité féminine lorsqu'il décrit des femmes allant "contre nature" n'est pas plus évident. Il pourrait tout aussi bien faire allusion aux femmes qui, selon lui, n'avaient pas de relations naturelles avec les hommes, et encore une fois, il est peu probable que Paul s'adresse aux lesbiennes, puisque par définition une lesbienne est une femme pour qui l'attirance pour une autre est naturelle, contrairement à l'attirance pour un homme.
Finalement, nous pouvons nous demander si ce que Paul considérait comme étant en accord avec la nature était une expression de sa propre pensée ou de la pensée de Dieu à ce sujet. De la même façon, les dirigeants de l'Eglise des Saints des Derniers Jours ont exprimé des opinions personnelles en public, qui plus tard ont été révoquées, comme les questions sur l'esclavage, la monogamie ou les relations sexuelles par voie orale). Ce ne serait en outre pas la première fois qu'une pensée non-inspirée apparaîtrait dans les écrits de Paul (voir I Cor. 7:25). Dans I Corinthiens 11:14, Paul utilise ce même argument de la nature pour dire que c'est une honte pour l'homme de porter les cheveux longs. Dans 14:34-35 il dit que les femmes doivent se taire dans les assemblées et que le fait qu'une femme parle dans l'Eglise est déplacé. Comment sont respectés de nos jours ces points de vue de Paul ? Ne nous sommes-nous pas octroyé le droit de les mettre de côté quand ils ne correspondent pas à notre expérience ?
Dieu Continue de Parler
Pour conclure, le vieil argument selon lequel les Ecritures condamnent l'homosexualité est loin d'être acceptable. Il y a trop de questions sans réponses qui restent à résoudre. Il semble bien plus probable que ces Ecritures condamnent plutôt l'immoralité, le viol, l'inhospitalité et le refus de reconnaître le Seigneur comme le Dieu de la Création. Quant aux phénomènes d'authentique orientation homosexuelle, les travaux classiques, tout comme beaucoup d'autres sujets contemporains, n'ont jamais donné de résultats définitifs. Pourtant, cela ne devrait pas déranger ni surprendre les Saints des Derniers Jours. Dans cette Eglise, nous n'avons jamais cru que les Ecritures étaient le dernier mot de Dieu sur quelque sujet que ce soit. Nous croyons que Dieu continue de parler. Nous croyons que beaucoup de choses importantes restent à être révélées concernant le Royaume de Dieu.
Cependant, l'un des thèmes que nous savons être primordial quant à l'établissement du Royaume, est la nature inclusive de l'appel de Dieu. Esaïe 56:4-5 nous révèle l'étendue de cet appel quand il prophétise que le jour viendra où même l'eunuque aura sa place au Royaume de Dieu. Les eunuques étaient méprisés parce que stériles, et écartés du peuple de Dieu. Esaïe prédit le jour où ceux qui se rapprochent de Dieu auront un nom éternel et un monument dans les murs du Temple qui est préférable à des fils et à des filles. Une telle bénédiction était inconcevable aux Juifs de cette époque, et devrait donner matière à réfléchir aux Saints des Derniers Jours, si la conception actuelle du plan de Dieu souffre de certaines limitations. Dans Actes 8:26-40, nous voyons le commencement de l'accomplissement de la prophétie d'Esaïe lorsque Philippe, guidé par l'Esprit, convertit et baptise un eunuque Ethiopien, mis à l'écart du plan de Dieu par ces deux raisons. Aujourd'hui, ne limitons-nous pas la mission inclusive de Dieu lorsque nous échouons à intégrer une certaine catégorie de personnes laissée pour compte ? La question ne devrait donc pas être : "Que disent les Ecritures au sujet de l'homosexualité ?" mais plutôt : "Avec notre connaissance moderne de ce qu'est l'homosexualité, que nous enseigne l'Esprit quant à notre manière d'y répondre ?" Si nous ne posons pas franchement cette question, nous risquons de rechercher conseils auprès de penseurs humains plutôt qu'auprès de la vraie Source de vérité.
Bibliographie
The Bible and Homosexuality, Michael E. England, UFMCC, 1986.
The Song of the Bird, Anthony de Mello, an Image Book, 1982.
Homosexuality and the Bible: An Interpretation, Walter Barnett, Pendle Hill Pamphlet, 1979.
Homosexuality & Scripture from a Latter-day Saint Perspective, Alan David Lach, Affirmation/Gay & Lesbian Mormons, 1988.
Homosexuality and the Western Christian Tradition, Derek Sherwin Bailey, Hamden, CT: Archon Books, 1975.
Human Sexuality, A Preliminary Study, The United Church of Christ, United Church Press, 1977.
|